lundi 26 août 2013

Première évasion

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Je changerais mes vêtements de PG pour m'habiller en civil, ensuite en route pour Augsbourg. En cas de contrôle elle me ferait passer pour un stoppeur Italien travaillant en Allemagne et se rendant à Munchen. Elle proposait que le véhicule me prendrait à son domicile. J'ai refusé cela à cause d'un éventuel témoin, mais nous pouvions nous rendre chez son amie dans une petite maison de campagne entre Augsbourg et Munchen. J'ai accepté cette proposition. Le projet était bien préparé, c'était une femme intelligente et sûre d'elle et bien placée dans le Parti.
Le surlendemain l'entente était faite - je devais me trouver entre 20 et 21 heures à la croisée des deux chemins. Mon passage par l'égout s'est bien réalisé. Peu de temps après mon arrivée - 20h30 environs, je prenais place dans la voiture pour une destination inconnue. Nous avons roulé environ une demi heure sans arrêt, la voiture s'est arrêtée sur un petit chemin conduisant à une petite maison de campagne. Je me suis installé dans cette maison inoccupée où j'ai passé trois jours. Ceci pour donner le temps de changer des vêtements usagés mais présentables, recherche d'un chapeau et d'un imperméable.
3 jours donc après mon arrivée ma complice est venue m'apporter les effets civils. Nous partons ce jour à 20h pour la gare de Munchen, la voiture étant conduite par l'amie de ma complice. 2 billets de chemin de fer pour Weil avec couchette 1ere classe avait été pris en gare. Nous avons pris le train à 21h30. Sur le quai de la gare et au contrôle des billets, il y avait toujours entre nous une distance de 10 à 20 mètres de sécurité. Nous nous sommes installés dans le même compartiment, moi une couchette en haut et elle une en bas. En cas de contrôle des billets elle devait dire que nous avions échangé quelques mots banals et que je lui avais demandé si elle voulait bien présenter mon billet au contrôleur afin de ne pas me déranger dans mon sommeil. Changement de train à Fribourg ( 500km depuis Munchen). Je me suis levé de ma couchette à quelques kilomètres de la gare de Weil. Je fais discrètement mes adieux et grands remerciements. Je descend du train pour prendre le chemin longeant la ligne de chemin de fer espérant trouver une sortie vers le Pays en profitant de la demi obscurité. L'éclairage des abords et de la gare était réduit au maximum. Le train s'était remis en route et m'a dépassé. Je ne le voyais presque plus quand venait à ma rencontre un soldat ou un douanier que l'on pouvait confondre avec la nuit.
Arrivé à ma hauteur il s'arrête en me faisant signe d'exécuter (demande de papiers que je n'avais pas). Je lui ai donné un coup d'épaule pour l'effacer de mon chemin. Je me suis mis à courir le plus vite possible. Lui en a fait autant, il m'a fait une citation de m'arrêter, je me suis arrêté, lui également. Nous nous tenions à environ 30 mètres l'un de l'autre sans bouger. Rapidement j'ai repris la course - à la 2e citation je me suis rendu. J'avais aperçu qu'il portait sous sa cape une arme dont il m'a menacé. Arrivé au poste il retira sa cape en riant. Son arme n'était autre chose qu'une bouteille de bière dont il m'a offert un verre. Une tasse de café avec schnaps et casse-croûte m'ont été offerts. C'était un homme tranquille, non agressif. Il a téléphoné -sans doute pour avoir des instructions. Il m'avait demandé avant à quel Stalag j'appartenais (numéro du Stalag). Il lui ai dit Stalag 5B Villingen. Ces renseignements étaient faux mais je savais que cela passerait et me permettrait de me trouver à 50km du Rhin au lieu de 650km. Cette première évasion était réussie dans le sens qu'une deuxième évasion devenait plus facile du fait d'un rapprochement considérable avec le Rhin.
Le jour même j'ai été emmené à Fribourg où j'ai passé deux jours dans une prison de condamnés de droit commun. Un soldat en arme m'a ensuite emmené directement à Villingen avec 2 autres PG évadés et repris au Rhin.



Notes :
un prisonnier de droit commun est un prisonnier condamné par une tribunal de grande instance, donc un criminel ou un bandit (en opposition au prisonnier politique).

Le Stalag 5B de Villingen : ce stalag était installé dans la région du Bade-Wurtemberg allemand sur les pentes de la Forêt Noire, à 750 mètres d'altitude. Situé aux abords de Villingen et à 40km de Fribourg-en-Brisau, il n'est distant que d'environ 40km de la frontière suisse. C'est pour cette raison qu'en 1941, il était réputé comme l'un des plus fertiles en évasions, en raison de la proximité de la poche de Schaffhouse, qui réduisait considérablement la distance avec la frontière de la liberté.
source : http://militaria1940.forumactif.com/t2268-essai-d-historique-sur-le-stalag-vb



















vendredi 23 août 2013

Suite de la préparation de la première évasion

Le boulanger était d'accord de me prendre à sa boulangerie. Cela était plus qu'il ne m'en fallait. Le patron boulanger allait dont faire une demande au bureau d'embauche. Je dois préciser que cet homme avait été gravement blessé à Verdun, fut opéré et soigné en France et rapatrié en Allemagne après sa guérison totale début 1918. Ce allemand disait souvent qu'il aimait bien les français à qui il devait la vie. Il traitait son prisonnier comme le fils de la famille. Je crois que je ne pouvais tomber  mieux. Quelques jours après la démarche du boulanger, j'étais convoqué par l'homme de confiance du Camp, un Alsacien, peut-être devenu Allemand - mais très chic. L'accord conclu je pouvais prendre ce travail. Le premier contact avec le boulanger était bon : café, lait pain de bonne fabrication. Désignation de mon travail : j'étais chargé de tenir les sols de l'atelier et de la cour en état de propreté constante, entretien des fours et de l'outillage de fabrication et de manutention du pain. Le chauffage au gaz ou électricité n'existant pas. Préparation à l'allumage. C'était des taches bien précises et permanentes demandant 3 à 4 heures de travail sur les 10 heures de présence.
Mon projet d'évasion par les égouts tenait toujours, mieux encore - j'allais pouvoir obtenir des renseignements sur cette fosse de décantation, l'emplacement de la gare, le moyen d'accéder aux wagons de marchandises, les heures de départ des trains de marchandises pour la Suisse - mon objectif étant Weil à 2 pas de la gare de Bâle.
Après quelques jours de travail, le patron vint me demander si je voulais bien travailler quelques heures par jour chez une voisine. Vu le peu de travail à faire à la boulangerie j'étais un peu obligé d'accepter. Cette voisine m'avait aperçu à plusieurs reprises dans la cour de l'atelier de la boulangerie. Je serais chargé de cirer meubles et parquets de son appartement, nettoyage de bibelots, lustres, etc... L'appartement était situé dans le même immeuble que la boulangerie, on pouvait y passer sans mettre les pieds dehors.
Le premier jour de mes nouvelles "fonctions" j'ai visité un appartement très luxueux. J'avais de suite remarqué qu'on y voyait de nombreuses gravures militaires et diplômes au nom d'un capitaine de S.S. avec décoration de croix de guerre nazi. Je me suis un peu arrêtée devant ce diplôme. La dame m'a alors dit que c'était son mari en France en 1940. Parlant français d'une manière exceptionnelle elle m'a dit que son mari était actuellement en France ou en Pologne, elle était sans nouvelles de lui depuis 1 mois. Le temps passe, j'en suis au 10ième jour de ma présence chez elle. Je suis assez libre et confiant pour lui avouer que mon seul désir était de m'échapper de cette prison le plus rapidement que possible. Spontanément elle m'a assuré qu'elle me comprenait et me donnerait même les moyens pour y arriver.
J'acceptais sa complicité en lui précisant bien que j'avais deux devoirs, l'un de regagner mon Pays, l'autre d'éviter tout ce qui pourrait apporter le moindre doute sur sa complicité. Je lui demandais de me fournir les renseignements concernant la fosse de décantation. Le lendemain - s'étant rendue elle même sur les lieux - j'étais renseignée, il était très possible de sortir de l'égout, la fosse n'étant pas un obstacle. La fosse se trouvait sur une petite route de forêt rattachée à proximité à une route normale menant à Augsbourg. De là, je pourrais me rendre de nuit à la gare de marchandises où je pensais avoir la chance de prendre le premier train à 3 heures du matin. Ce train allait jusqu'à Fribourg. Je ne pensais pas pouvoir aller plus loin avec ce moyen sans risques mais cela est dans le "métier". Dans une évasion il n'y a que risques et chances, il faut simplement oser et surtout vouloir. Après avoir exposé ce projet, ma complice me dit - après avoir réfléchi - qu'elle ferait autre chose et sans risque : je sortirais du camp par les égouts comme prévu, un véhicule militaire conduit par son amie du Parti m'attendrait au croisement des 2 chemins en position de départ pour Augsbourg.



















mercredi 21 août 2013

Suite : préparation de la première évasion.

Nous avions souvent la nuit la visite de nos gardiens (2 à 4 fois par nuit). Ils retournaient les paillasses et renversaient tous les objets à la recherche de quelques éléments de préparation. Ils avaient raison de  ne pas nous faire confiance. 4 tenues militaires allemandes avec baillonnettes et calots étaient planquées sous le plancher de la baraque. Il ne manquait que les fusils. Cet équipement devait servir à faire sortir du Camp 40 PG par 4 PG parlant bien l'allemand (PG = Prisonniers de Guerre)
J'avais sans cesse l'idée de m'échapper de ce camp pour la cavale, mais les abords du camp ne permettaient pas d'envisager une solution favorable de ce côté.
Le camp était clôturé par 6 rangées de barbelés d'une profondeur de 6 mètres, hauteur 3 à 4 mètres, de plus 4 miradors avec mitrailleuses et projecteurs balayant la nuit en permanence ce réseau de barbelés.
Personnellement je ne voyais la sortie que par les égouts dont le dernier boisseau débouchait dans une fosse de décantation située à 20-30 mètres à l'extérieur des barbelés. Cette fosse était située dans un bosquet de sapins très visible de l'intérieur du camp.
Restait à connaître la profondeur de cette fosse ainsi que son mode de raccordement avec le dernier boisseau de l'égout.
Je ne pouvais prendre le risque de connaître ce renseignement à l'avance, il serait donc connu en pleine évasion.
J'avais décidé de passer à l'exécution en prenant le risque dont l'échec n'aurait pas été une catastrophe car je pouvais encore faire marche arrière et reprendre ma place au camp sans avoir attiré l'attention des gardiens.Il fallait aussi prendre en considération que le dernier boisseau de l'égout soit fermé par une porte cadenassée. J'avais prévu une lame de scie et des crochets pour venir à bout avec une telle fermeture. Il me restait à faire les préparatifs en détail (boussole et carte en particulier, ravitaillement en biscuits et dattes Pétain, chocolat et tabac en bonne quantité). (j'ai cherché sur le net une infos sur les "dattes Pétain" mais bon les moteurs de recherches pensent à une faute d'orthographe pour "date" et du coup je ne trouve rien sur ce sujet ... je tacherai de me renseigner ultérieurement sur ce sujet)
Au marché aux puces du camp je pouvais moyennant tabac trouver tout ce qui me manquait. Tombant sur un fumeur invétéré en panne de tabac, PG travaillant tous les jours à Augsbourg situé à moins de 100m du camp, chez un boulanger, je lui ai demandé en lui remettant deux paquets de "gris" de demander à son patron s'il ne voyait pas une place pour moi chez ses clients ou connaissances. J'étais devenu volontaire pour le travail mais un travail de mon choix et avec un but précis.



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Notes et précisions (pas de l'auteur mais de moi ) :

Augsbourg est une commune située en Bavière, historiquement importante militairement vu sa situation géographique stratégique. Durant la période qui précéda la 2de Guerre Mondiale où l'Allemagne préparait son réarmement, la Wehrmacht agrandit la caserne initiale pour en avoir trois : "Somme Kaserne" (abritant le régiment 27 de l'artillerie de la Wehrmacht), "Arras Kaserne" (abritant le régiment 27 d'infanterie de la Wehrmacht) et la "Panzerjäger Kaserne (abritant la "division antichars n°27" (plus tard nommé la division de destruction de chars n°27"). (cf lien wikipédia pour ce texte en vo)

Pendant la 2de Guerre Mondiale, un des camps secondaires du camp de concentration de Dachau fut situé juste en dehors de Augsbourg, fournissant environ 1300 forces de travail pour l'industrie locale d'équipement militaire, en particulier pour la société Messerschmitt AG (fabrique des avions militaires).

Donc à priori, Marius a été interné à ce moment là dans ce qui est appelé le kommado extérieur d'Augsbourg-Pfersee et pas Augsbourg-Haunstetten qui est un camp pour femmes. J'espère pouvoir vraiment trouver des documents me permettant d'avoir un certitude plutôt qu'une hypothèse !

sources : http://en.wikipedia.org/wiki/Augsburg
http://memoiredeguerre.pagespro-orange.fr/lieux-dep/dachau.htm
http://www.crrl.fr/Ressources/Camps/a.htm


(désolée pour la traduction approximative des termes d'armement militaires qui étaient en allemand... merci google trad... Je vais voir à faire des recherches plus approfondies sur le sujet de ce camp mais ça sera pour plus tard quand j'aurai finit de retranscrire ce récit !)


mardi 20 août 2013

Juin 1940

Récit de 3 évasions.
Guerre de 1939 - 1945
et quelques souvenirs de captivité
par Marius Choffel - l'intéressé.

Fait prisonnier le 17 juin 1940 à Xomrupt (Vosges). En convoi à pieds j'ai été dirigé en groupe sur Neuf Brisach où j'ai passé 15 jours en compagnie du Commandant Montcharmont. Vers le 15 juillet nous avons été dirigé sur Vieux Brisach en vue d'un départ vers une destination ignorée. Un train de wagons à bétails nous attendait. Chargés dans ces wagons entassés comme des sardines - nous avons appris notre destination par des sentinelles allemandes - nous allons à Munchen. J'étais toujours en compagnie de Montcharmont à qui j'ai dit avant notre séparation à Munchen (séparation des officiers pour OFLAG) que la guerre ne faisait que commencer, que je serais en France en vie avant 2 ans ou mort en évasion.

Le camp que j'occupais (stalag 7 A) comptait 5000 prisonniers. Non volontaire pour le travail, j'ai été affecté à la fameuse Baraque 39, camp des fortes têtes et des récalcitrants au travail. Pour faire pression sur notre mauvaise volonté notre nourriture était réduite au maximum : épluchures de pommes de terre cuites au suif, 2 kannenbrot, 50g de fromage blanc) le tout pour une journée. (j'ai cherché ce qu'était le "kannenbrot" et je n'ai rien trouvé à ce sujet, sachant que "kannen" en allemand veut dire "peuvent", peut être que c'est une sorte de faux pain ? Mais là ça n'est qu'une hypothèse totalement personnelle)
Les Allemands assez respectueux -à cette époque- des conventions de Genève étaient autorisés à nous faire travailler à des travaux d'entretien et de propreté dans le camp uniquement, par exemple en hiver pour le ramassage de la neige. Nous devions faire 4 tas de neige énormes, les placer aux 4 coins de la cour, les changer de place 2 à 3 fois et ensuite de ces 4 tas n'en faire qu'un seul au milieu de la cour, ensuite refaire de ce gros tas 4 autres tas, les replacer aux 4 coins, etc. Tout ce travail amusant autant que ridicule, avec quelques pelles et des brouettes. Tout cela n'était qu'un simple moyen pour faire pression contre notre volonté de ne pas travailler chez les paysans de Bavière qui manquaient de bras. Avec toute cette manipulation et le soleil aidant, la naige disparaissait - supprimant ainsi notre travail "productif".