vendredi 29 novembre 2013

La vie au camp d'Emmendingen

Je serai bientôt le 6e évadé d'Emmendingen et personne, même pas mes camarades, ne saurons mon trajet. Dans ce camp il y a en effet de grandes difficultés pour sortir - les barbelés - les égouts inaccessibles - Le seul passage possible : sortir avec les ouvriers civils de l'usine (400 environ) Ainsi mêlé au milieu des 400 ouvriers pour sortir de l'usine après 17 heures - j'en suis resté sur ce projet. Je viens de passer 15 jours dans ce commando - je demande l'autorisation de consulter le médecin pour une soit disant bronchite - pas de médecin au camp, je le savais bien sûr, il fallait passer par un médecin de ville. J'ai été autorisé  voir le médecin, c'était un très vieux toubib de 14/18 surement, il m'a très bien reçu et m'a ordonné des cachets en me demandant de revenir si ça n'allait pas mieux.
Ma demande de consultation n'avait pas d'autre but que de faire une reconnaissance en dehors de l'usine : emplacement de la gare, possibilité de sortir rapidement de la ville en direction de Fribourg-Brisach etc. Rentré au camp je fais la connaissance d'un Alsacien travaillant à l'usine, originaire de Rouffach. Il se rendait dans sa famille tous les samedi. Je lui ai fait part de mes intentions, après l'avoir testé sur ses sentiments à l'égard des Français. Il ne m'a pas caché que les Alsaciens restaient avec la France. Je lui demandais s'il pouvait, le moment venu, me procurer une casquette et une paire de lunettes noires ou vert foncé et me dire le prix exact (au Pfennig près) pour un billet de chemin de fer Comar aller et retour 3e classe avec départ de la gare la plus proche de Emmendingen. Je tiens à avoir le prix exact afin d'éviter une discussion avec l'agent du guichet de la gare. Prendre le train en gare d'Emmendingen serait un suicide, car le premier objectif pour la Police était à coup sûr cette gare. Il me fallait également les heures de passage du train de la gare dans le sens opposé de mon trajet pour déjouer la police, ainsi que les heures de départ des trains de Fribourg à Colmar et le N° du quai. L'Alsacien m'a donné l'assurance de m'aider de bon cœur et m'a proposé de me rencontrer pour recommander la leçon. Il m'apprend ce qui est important,que l'Allemagne venait d'annexer l'Alsace. De ce fait la frontière du Rhin disparaissait, la nouvelle frontière devenait celle de 1914.



Notes :
Emmendingen c'est ici

Je n'ai pas trouvé, bizarrement, d'informations significatives sur un camp de travail/d'emprisonnement à Emmendingen par contre.

jeudi 21 novembre 2013

Nouvel emprisonnement

Emmené au café qui venait d'ouvrir j'ai bu 2 cafés et 2 schnaps et mangé un bon pain (cela est sans doute une tradition).
Considéré et bien traité j'ai été emmené à la gare de vieux Brisach où j'ai attendu le départ pour Vilingen, mon STALAG. Après les 15 jours de prison et 20 jours de camp disciplinaire j'étais à nouveau le PG prêt à partir dans un camp de travail. Je ne tomberai plus sur un commandos comme celui de Fribourg-Fortschritt. Quelques jours après j'étais embarqué à Emmendingen dans une usine de textile - commando de 40PG. Un bâtiment assez grand pouvait permettre l'installation des 40PG. La nourriture était mauvaise mais acceptable quand même. Le pire était que ce commando était un peu disciplinaire - 5 évasions dont 4 manquées, depuis l'existence du camp. L'effectif des gardiens : 1 Feldwebel et 6 gardiens pas commodes. Le bâtiment des PG était rattaché à l'usine sur le même territoire et touchant presque l'usine. Les PG pouvaient donc circuler entre le bâtiment PG et tout l'ensemble de l'usine sans avoir à passer par l'extérieur. Pour sortir de l'usine, donc du bâtiment PG il n'y avait que la porte principale par laquelle civils et PG devaient passer pour entrer et sortir de l'usine. Cette porte en fer forgé énorme était gardée de jour et de  nuit en permanence par une sentinelle et un chien. Tout l'ensemble - usine et bâtiment PG était clôturés par un imposant réseau de barbelés surveillé par sentinelles en armes et en chiens. Il n'y avait aucune possibilité de s'échapper de ce réseau. S'échapper de nuit pas possible, dans le couloir une sentinelle armée, les barreaux des fenêtres avaient une section telle qu'il ne fallait penser à scier. Toutes les portes étaient armées de tôles de 2mm fixées sur les panneaux en bois. Le Feldwebel était un ancien prisonnier des Français qui de 14 à 18 s'était évadé 2 fois et était pour ses chefs, de ce fait, l'homme qui convenait pour agir sur les évadés. Ce n'est pas mon avis, il avait surtout une bonne gueule pour menacer sans cesse et traiter les PG de sales français. Il nous a dit un jour au cours d'un rassemblement qu'il avait eu des ordres pour tuer sans sommation. Après chaque évasion, les gardiens disaient : où a t'il bien pu passer ? Leur rôle était de chercher le passage et de le colmater.

jeudi 7 novembre 2013

La 2e évasion : un nouvel échec.

Comme tous les samedi on mangerait au Restaurant à 100 mètres de l'atelier et ferait ensuite une partie de football sur un terrain de l'Usine. Cette partie prenait fin vers 14 heures. Le cuisinier pendant ce temps faisait avec un aide la vaisselle. Les gardiens assistaient à la partie de football, aucune surveillance sur les 2PG à la vaisselle, surveillance inutile à leurs yeux, la porte de l'usine étant fermée à clef. Les portes des ateliers n'étaient fermées que le soir après 7 heures à la première ronde du veilleur de nuit.
Ce samedi je demandais à aider le cuisiner. Sous prétexte de WC je vais à l'atelier, je quitte mes effets de PG pour mettre les vêtements civils dont j'avais vérifié leur présence à l'endroit prévu. Les fenêtres de l'Atelier donnaient sur un terrain vague et isolé. Une maison d'habitation était à quelques mètres de la fenêtre choisie pour passer, fenêtre à environ 2 mètres du sol extérieur.
Le temps de changement des effet n'a duré que 2 minutes. J'ai enfermé mes effets de PG dans un sac plastique décoré coquettement. J'avais repéré ce sac accroché sur une machine depuis quelques jours. Ce sac me permettait d'emporter avec mes effets de PG, rasoir, tabac, savon et mon courrier.
Les vêtements devaient disparaître de l'usine en particulier pour faire disparaître le moindre indice de complicité sur ceux qui m'ont aidé si généreusement.
J'ouvre la fenêtre sans difficulté, j'enjambe cette fenêtre et je saute. Le bruit du choc à terre attire l'attention d'une femme au 1er étage de la maison voisine. Elle passe la tête par la fenêtre et me regarde l'air surprise. Elle m'a sans doute pas cherché à me signaler. Je prend le chemin menant à la route repérée - je croise le garde champêtre que je salue à l’Hitlérienne - il répond en levant la main et continue son chemin. Je rencontre, par coïncidence, la petite dame dont j'ai parlé plus haut, qui venait de perdre son mari sur le front Russe. Elle m'a bien regardé avec un petit sourire et un aimable signe de tête. Je l'ai à mon tour saluée et elle a continué son chemin comme si rien n'était.
Il est 14 heures, les PG sont surement rentrées au commando à grands coups de gueule sans doute, ma disparition devait être connue. Arrivé au Rhin sans incident sérieux à part que j'aurais pu me faire éventrer par 3 sangliers qui fonçaient en sens inverse de ma direction - j'ai eu peur. Il était environ 4 à 5 heures du matin. Je fixe mes 2 oreillers pneumatiques et rentre dans le Rhin, l'eau est bonne, la nuit malheureusement trop claire. J'avais précédemment caché mon sac dans l'entrée d'une casemate de la fortification. Le Rhin traversé sur moitié de sa largeur, au moment que je prenais le courant du fleuve, qui devait dans sa courbe me renvoyer à l'autre rive, un coup de fusil a été tiré du côté allemand - puis un deuxième du côté Alsace. Risquant d'être touché à l'eau et de me noyer et surtout repris du côté Alsace. J'ai fait marche arrière, j'ai couru aussitôt à la casemate, j'ai eu le temps de changer mes effets civils pour remettre mes effets PG. J'ai eu le temps aussi de faire disparaître les effets civils dans le Rhin. Les gardiens me cherchaient, le jour se levant je n'avais plus d'issue, je me suis rendue - C'était la fin de la 2e évasion - échec pour peu de chose - un ciel trop clair et des oreillers de couleur blanc-neige, rendus trop visibles, ce qui a attiré l'attention des gardiens qui me m'ont fait comprendre.