samedi 28 septembre 2013

Travail dans une usine de meuble.. et toujours le projet en construction.

Il est vrai que la collaboration de Pétain améliorait énormément le sort des PG. Nous le sentions nettement dans nos contacts avec les Allemands, mais cette collaboration était surtout favorable aux Allemands qui avaient besoin de beaucoup de main d'oeuvre. Les grands centres de fabrication commençaient à subir d'importants bombardements par l'RAF. Les Militaires à subir d'importants bombardements par l'RAF. Les Militaires mettaient la main sur toutes les petites et moyennes entreprises dispersées dans le pays pour la fabrication de pièces détachées des entreprises n'étant jamais touchées par l'aviation. De plus, la transformation de PG en civils était un moyen de réduire l'importance de la surveillance de 2 à 3 millions de PG.
L'officier m'annonçait que je ne serais pas sanctionné et il m'a demandé si j'étais d'accord pour faire un autre travail. J'ai dit oui.
Dans ma baraque on préparait un commando pour Fribourg. Il manquait encore quelques PG et j'ai demandé à en faire partie. Quelques jours plus tard nous partions en commando de 20 PG - commerçants, menuisiers, sous officiers, instituteurs, etc. - tous volontaires non pour s'évader mais cherchant avant tout une bonne plaque en  attendant la fin de la guerre.
Le dortoir à Fribourg était aménagé dans un immeuble assez important. Les lits à 2 étages étaient corrects. La surveillance se composait d'un Feldweibel et de deux gardiens assez âgés. Nous allions travailler dans une fabrique de meubles. Très peu de personnel masculin dans l'Atelier. Des femmes surtout et un grand nombre de machines arrêtées. L'ensemble des PG travaillait en bonne intelligence avec le personnel de l'Atelier - on peut dire presque amicalement. Le directeur de l'entreprise, assez jeune, marié avec une Bordelaise, parlait bien le français. Il passait tous les jours voir ses PG et s'arrêtait souvent près de moi parlant de la guerre et de l'après guerre. C'était un bon Allemand, pas un Nazi mais il souhaitait bien la victoire finale de l'Allemagne. Il m'a invité de passer un dimanche après midi chez lui - il y avait des arbres à planter dans son parc. J'ai refusé et il ne m'en a pas voulu pour autant. La salle à manger était bien agencée, la nourriture bonne, la même que pour les civils. Une bouteille de bière à chaque repas. C'était la vie de château pour un PG. Tous les samedi nous mangions à midi dans un petit restaurant et faisions ensuite un jeu de football avant le retour au camp. Je recevais enfin mes 2 oreillers pneumatiques et pouvait envisager la deuxième évasion, objectif le Rhin. Je me trouvais  25km de vieux Brisach, en pleine forme, une bonne possibilité de m'enfuir de l'Atelier, la saison se prêtant bien à prendre le large, pas de ravitaillement à préparer, une connaissance suffisante des lieux, une boussole suffisait. Une petite route de campagne reliait Fribourg à Brisach. J'aurais à me méfier plus des autres PG que des gardiens. Je savais que l'évasion d'un PG dans un commando faisait supprimer colis et courrier pendant 2 mois aux autres PG et j'avais bien entendu qu'un PG aurait déclaré qu'il n'hésiterait pas à dénoncer aux Allemands si un Français cherchait à s'évader. Je ne pense quand même pas que cela pouvait aller jusque là, mais j'avais à me méfier.



note :

mardi 24 septembre 2013

Préparation de la seconde évasion

Les jours passent sans changement. La patronne sentait bien, aux renseignements que je lui demandais avec prudence, que je cherchais ce qu'il me faudrait pour prendre la fuite. L'itinéraire prévu était l'Alsace par Neuf - risach [note du rédacteur : faute de frappe : il parle sans aucun doute de Neuf-Brisach] - mais il y avait ce Rhin à passer. Villigen - Fribourg - Brisach par chemin de fer. Ce qui me manquait : un vêtement de civil, un ticket de chemin de fer, 2 oreillers pneumatiques - que j'avais demandé à ma famille en France.
J'étais sûr que la patronne me donnerait un vêtement civil et un ticket de chemin de fer pour Vieux Brisach. Les 2 oreillers m'étaient indispensables pour traverser (le Rhin) le fleuve à la nage. Je n'étais pas assez bon nageur pour me permettre cette tentative sans les oreillers. Je n'attendais plus que ces fameux oreillers pour m'évader la deuxième fois.
3 semaines après la visite des recruteurs de PG - à transformer en civils - nous recevons à nouveau une visite. C'est un curieux personnage. Un homme d'un certain âge venait passer une commande pour la fabrication de pièces en acier et en bronze. Avant de me demander mes possibilités il a vérifié ce que je faisais en examinant la qualité de mon travail. Il me présentait un plan de pièces à fabriquer en me demandant si j'étais capable de les réaliser et si l'outillage de la serrurerie le permettait. Le bas de la carte portait l'inscription "Luftwaffe". J'ai de suite réalisé et répondu que je refusais tout travail concernant l'armement. Il n'a rien répondu et quitté l'atelier après avoir replié son plan. Je ne l'ai pas revu, mais 3 jours après ma sentinelle vient à l'atelier et me demande de rentrer au Stalag. Je devais passer auprès de l'officier de justice au sujet de mon refus de travail, je lui ai dit que personne ne pouvait m'obliger à travailler pour l'ennemi - conformément aux conventions de Genève. Il  m'a fais remarquer que la guerre était terminée et que cette convention n'était plus valable. Je lui ai répondu que l'armistice n'était pas la paix et que personnellement je me considérais comme l'ennemi tant que je ne serais pas libéré. Il a finit par me dire que le Maréchal Pétain et le Führer collaboraient pour une association sincère. J'ai répondu que cela serait le meilleur pour les deux pays mais que des soldats français se battaient encore, en Afrique en particulier, je ne pouvais pas travailler contre eux.


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Note :
    La Convention ne remplace pas les dispositions des Règlements de la Haye; elle les complète seulement. Les nouvelles dispositions les plus importantes concernent l'interdiction des mesures de représailles et de peines collectives à l'égard des prisonniers de guerre, l'introduction de dispositions concernant l'organisation du travail des prisonniers, le droit des prisonniers de guerre à désigner des représentants vis-à-vis des autorités militaires et des Puissances protectrices, et l'organisation du contrôle exercé par les Puissances protectrices.

    La Convention de Genève concernant le traitement des prisonniers de guerre de 1929 fut remplacée par la troisième Convention de Genève du 12 Aout 1949. La Convention de 1929 n'a plus d'application en conséquence de l'adhésion universelle aux Conventions de Genève de 1949.


Pour approfondir vous pouvez aller lire sur le site de la Croix Rouge :


Et Marius fait référence à l'article 31 en particulier dans la convention de 1929, donc :
    Les travaux fournis par les prisonniers de guerre n'auront aucun rapport direct avec les opérations de la guerre. En particulier, il est interdit d'employer des prisonniers à la fabrication et au transport d'armes ou de munitions de toute nature, ainsi qu'au transport de matériel destiné à des unités combattantes.
    En cas de violation des dispositions de l'alinéa précédent, les prisonniers ont la latitude, après exécution ou commencement d'exécution de l'ordre, de faire présenter leurs réclamations par l'intermédiaire des hommes de confiance dont les fonctions sont prévues aux articles 43 et 44 , ou, à défaut d'homme de confiance, par l'intermédiaire des représentants de la Puissance protectrice.






















jeudi 5 septembre 2013

Le séjour à Villingem : la serrurerie et proposition étrange.

Arrivé au Stalag de Villingen, camp disciplinaire, j'ai été débarassé de mes effets civils et mis en prison pour 10 jours. Après ces 10 jours je devais faire en plus un mois de travaux assez pénibles dans le camp. Dés mon arrivée à ce camp j'ai demandé que l'homme de confiance me rencontre. Je lui ai exposé mon changement de champ. Il m'a rassuré que je resterais là, j'étais un cas parmi d'autres, en effet pour me remettre à mon Stalag à Augsbourg, un soldat allemand aurait 1200km à faire par chemin de fer. 40 jours ont passé au camp disciplinaire - nous étions en mars 1941. J'avais oublié mon echec de la première évastion - ma complice ne pouvait avoir eu d'ennui -cela aurait été pour moi un cas de conscience grave. Tout avait été étudié et imaginé dans les moindres détails. J'étais serein et décidé à passer à une deuxième évasion assez rapidement.
Une petite entreprise de Villingen cherchait un serrurier parmi les PG du Stalag. Je n'ai pas hésité à poser ma candidature pour ce travail. De toute façon j'avais décidé de ne plus m'évader en partant directement du camp. Les difficultés étaient grandes et dangereuses.
Pour réussir il fallait s'évader d'un commando en vêtements civils ce qui était impossible en partant du Stalag (barbelés, soldats en arme-chiens etc...)
Le lendemain je partais du Stalag pour la serrurerie. J'ai pris contact avec la patronne-propriétaire de l'entreprise. L'atelier n'était pas grand - un tour, une fraiseuse, un étau limeur, une poinçonneuse, une cisaille électrique, matériel moderne et en bon état. Quelques jours après mon arrivée la patronne, qui parlait assez bien français, me disait que son mari était en prison à Konstanz depuis le début de la guerre, il n'en sortirait, m'a-t-elle dit, qu'après la guerre et encore si l'Allemagne était perdante, ce qu'elle espérait, étant antinazi. Mon travail était intéressant du point de vue professionnel. Je construisais de l'outillage destiné à la fabrication de brosses de toutes sortes. La nourriture était bonne. Je recevais en plus une bouteille de bière le matin et une autre l'après-midi. Une sentinelle m'amenait à l'atelier le matin à 7 heures et me ramenait au Stalag tous les jours à 18h. Je ne prenais plus mes repas au camp. Un mois plus tard nous recevons la visite de 2 civils genre Gestapo - imperméable noir, chapeau mou bord bien incliné vers l'avant. But de la visite : proposition de me transformer en civil. Je recevrais une carte d'identité me permettant de circuler en Allemagne comme un Allemand. Je serais rémunéré comme un ouvrir qualifié avec possibilité de prendre mes repas où cela me plairait et je logerais à l'hôtel où cela me plairait. Condition : je ferais une déclaration écrite sur l'honneur de ne pas me rendre dans un autre pays sans autorisation. J'avais également à donner l'adresse de ma famille en France. Père, mère, épouse, frères et sœurs. Je devais également donner ma signature une fois par mois au service des étrangers. Je l'ai laissé parler pour répondre que je n'étais pas d'accord. Ils ont un peu insisté, sans menaces, en me disant que beaucoup de PG français avaient accepté et étaient satisfaits. Le lendemain la patronne m'a félicité de mon refus sans doute par opposition au régime Nazi et peut être aussi dans l'intérêt de son entreprise.