jeudi 17 août 2017

Suite de l'évasion

Il a fait ouvrir les portes de tous les wagons, ses hommes en hurlant montaient et descendaient des wagons. J'en ai conclu qu'il avait demandé à un évadé de lui donner des renseignements à la recherche d'évadés - c'était une petite récréation. Mon train était en place la locomotive en tête bien dans le sens Colmar indiqué sur panneaux. J'ai voulu m'assurer quand même que c'était bon pour Colmar en me payant l'audace de le demander au mécanicien du train. "Nach Colmar" lui ai-je dit, il m'a répondu aimablement "Jawol".
Je monte dans une voiture de 3e classe. A peine installé la porte de mon compartiment s'ouvre, je m'approche, c'était une petite femme très jeune qui manipulait difficilement 2 grosses valises. Je suis descendu sur le quai et je lui ai placé ses 2 valises dans le compartiment. Elle m'a bien remercié mais je n'avais pas besoin de ça. Le train démarre, nous avons échangé quelques mots, me faisant passer pour un Italien travaillant à Colmar pour l'armement. Elle parlait assez bien le français. Son mari était sur le front Russe. Arrivé à Vieux Brisach, où elle descendait, je lui descends ses valises sur le quai - puis "au revoir". Le train repart, je passe sur le pont que j'avais fait sauter en novembre 1940 durant la drôle de guerre. J'ai été fortement impressionné. C'était en même temps un moment de tristesse pour la défaite - et de joie de me sentir sur le chemin de la liberté. Je sentais venir la fin de ces 17 mois de lutte acharnée contre la soumission.
Mon train arrive en gare de Colmar. Je connaissais assez bien la gare pour me rendre à la sortie. Un gendarme allemand qui me fait signe de m'arrêter - je le salue sérieusement en levant la main avec un "Heil Hitler" bien sonore. Il ne lui fallait que cela pour être content. Il m'a rendu le même salut du garde à vous et m'a laissé passer. Ce accroc m'avait un peu refroidi. Il m'a fait comprendre que je n'étais pas encore au pays de la liberté et que les contrôles devaient être fréquents. Il était tard, environ 23 heures. Je ne devais pas me rendre en ville. Je prends la direction de la Résidence en face de la gare, les rues étaient désertes. Je m'enfonce dans ce quartier à la recherche d'un coin où je pourrais passer quelques heures pour dormir un peu en attendant le jour. A tout hasard je pénètre dans le parc d'une maison bourgeoise imposante pour trouver un abri sous un buisson de décoration, quand je tombe sur une baraque genre guérite. Cela ressemble à une grosse niche à chien-on pouvait se tenir debout. Je passe la fin de la nuit dans cette niche où j'ai dormi une paire d'heures.

lundi 14 août 2017

Fin du travail - Le début de l'évasion.

La sonnerie annonçant la fin du travail me donne le signal de départ. Ma 3e évasion commençait enfin. Rapidement, je rentre dans les WC en verrouillant la porte pour m'isoler. Je retire mon treillis de travail, que je roule en paquet et l'enferme dans un papier d'emballage que j'avais prévu, ne voulant laisser aucune trace aux allemands sur mon passage. Ma casquette sur la tête et mes lunettes en place, je ne me serais pas reconnu moi-même. Je sors du WC me mêlant à la foule des ouvriers se dirigeant vers la sortie, grande porte. J'entends encore gueuler les gardiens allemands qui n'avaient pas encore trouvé leur compte de PG. Sorti de l'usine je me dirige sans précipitation  direction de la gare que je quitte rapidement vers le chemin indiqué par mon Alsacien. Ce chemin longe la voie ferrée qui doit me conduire  environ 5km à l'opposé de la gare d'Emmendingen. Arrivé devant cette gare de campagne, j'observe ce qui se passe autour de moi - je me prépare à rentrer dans la gare lorsque j'aperçois, parmi les quelques voyageurs, un officiel Allemand qui venait prendre le train. Caché derrière un gros buisson bien feuillu, j'ai laissé passer quelques minutes avant de me présenter à mon tour au guichet pour prendre mon billet comme je l'avais appris. Aucune question ne m'a été posée - c'est ce que je cherchais. Je passe sur le quai donnant la direction Fribourg. J'ai attendu quelques minutes pour laisser l'officier prendre sa place et j'ai choisi, bien sûr une autre voiture de la sienne. Le train se met en route, je passe à Emmendingen, devant sans doute, les gardiens du camp attendant ici le PG en fuite pour le coincer. Les gardiens n'avaient pas l'idée de fouiller le train venant d'une direction inverse à celle de Fribourg. A la gare de Fribourg j'ai une heure d'attente pour le train de Colmar. Je fais les cents pas du quai indiqué pour Colmar. Un fait amusant que voici : en me baladant sur ce quai, je vois arriver sur mon 5 soldats allemands en armes, sous le commandement d'un gradé bien agité et s'adressant à moi pour renseignements sur un train devant arriver en gare. Sans me désarmer et calmement je fais comprendre en petit allemand que je n'étais pas un agent du chemin de fer mais un italien travaillant pour l'Allemagne. A cette réponse, il a levé les bras en l'air en courant avec ses hommes après un train de marchandises.