mardi 12 septembre 2017

Une rencontre compliquée

Quatre jours après ma présence à la Pâtisserie, après avoir bien dormi et bien mangé avec le bon vin d'Alsace et de France - Muller Estime que je ne pouvais pas partir avec les vêtements que je porte. Il me propose de me ramener ce qu'il me fallait. Pas de souliers ni de chapeau, par contre un pull over bien chaud.
J'avais à me procurer une bicyclette en bon état en pensant à la pompe de gonflage et un nécessaire de réparation chambre à air - que de détails pensera-t-on ? Pour La Chapelle, j'avais environ 60 km à rouler après quoi la campagne. Le Patron pâtissier me propose une bicyclette qu'il possédait et qui ne lui servait à plus rien. Je lui ai dit que je pouvais payer une bicyclette, il m'a dit "ça non". Si la bicyclette vous convient vous pouvez la prendre. Muller avait apporté deux bouteilles de champagne. Invité ce soir à manger avec nous, nous avons beaucoup parlé de l'Alsace, de la guerre et surtout bien bu et fumé fumé. Muller serait mobilisé dans quelques jours et envoyé en Russie. Le lendemain, je recevais mon costume choisi entre trois autres. j'avais pu conserver ma boussole lumineuse qui allait me servir efficacement au passage de la frontière en pleine nuit. Je fais mes adieux à Muller dans la nuit, nous sommes embrassés. Je partais le lendemain vers 9 heures. Le mitron porteur de sa hotte de livreur devait prendre le chemin et moi le suivre à distance de 20-30 mètres jusqu'à la sortie de Colmar direction Belfort. J'avais fait mes adieux au Patron et à sa femme avec les remerciements et une larme de Madame.
Le mitron me quitte, je me dirige sur Cernay. Le patron m'avait donné une petite bouteille d'eau de vie que j'ai bien appréciée. Premier arrêt au Café Bar à la sortie de Colmar pour un bon demi de bière et en route. Avant de rentrer à Soppe le Bas je casse la croûte avec un café. Les clients et le patron ne parlaient que le français. Je reprends mon vélo et j'aperçois en contrebas de la route à environ 200 mètres un homme vert de gris en discussion avec un civil en plein milieu de la route. J'étais encore assez loin d'eux pour me permettre de faire marche arrière sans être vu et prendre les champs. J'avais fait un choix très rapidement entre la fuite et continuer ma route comme si rien n'était. J'étais habillé très correctement, en pleine forme et ne donnant pas l'allure d'un homme traqué. Meyer avait accroché à ma veste une belle croix gammée et un char allemand en métal argent. Il ne me manquait que des papiers d'identité. C'était beaucoup risquer mais je pensais en sortir avec un peu de ruse. Je continue donc ma route comme je l'avais pensé le gendarme me fait signe de m'arrêter. Je fais "Heil Hitler" il me rend le salut en prenant mon vélo par le guidon et faisant fonctionner les freins et me dis assez correctement que je dois faire régler les freins. Tout en me remettant le vélo, il me demande mes papiers - et là s'engage une discussion petit nègre allemand et français.
je propose que l'Alsacien encore présent traduise ce que j'ai à dire, en indiquant que j'ai travaillé en France pendant 10 ans. L'Allemand accepte, je tourne légèrement la tête en parlant à l'alsacien qui a compris que j'étais un évadé : vous traduisez que je suis Italien, que j'ai demandé à travailler pour l'Allemagne après la défaite de la France. Je suis spécialiste de l'armement. J'habite à Ensisheim, un camarade italien m'a téléphoné qu'il passerait en Alsace demain soir pour me rencontrer à Soppe le Bas.
Dans la précipitation j'ai oublié mes papiers qui se trouvent dans mes effets de travail.

dimanche 3 septembre 2017

Colmar

Avant de prendre la ville au petit jour, cette ville qui commençait à s'animer, les gens allaient aux affaires où au travail, j'abandonne mon treillis de PG que j'avais conservé jusqu'à ce moment.
Je prends la route de la gare puis la rue de la République. Arrivé à la rue des clefs je m'arrête devant une pâtisserie montrant sa vitrine de beaux croissants, petits pains et autres pâtisseries. Je rentre dans ce magasin en même temps que deux clients, l'un des deux salue avec un "Heil Hitler" la patronne a répondu par bonjour à l'une et à l'autre. Après la sortie de ces deux clients je demande deux croissants en langue Allemande bien à moi. La patronne rit en me regardant et disant : vous êtes Polonais ? Je lui réponds alors en bon français. Si vous êtes français que faites vous ici ? me dit-elle, dans ce cas rentrez dans la cuisine prendre un café avec vos deux croissants. Je ne suis pas un agent Nazi ou faux évadé - voilà les noms et adresses des Alsaciens que j'ai connu avant et pendant la guerre au Rhin. Le patron de la maison entre à la cuisine surpris de me voir. Sa femme lui donne l'explication. Il se présente en me donnant la main et me fait comprendre qu'il allait faire le maximum pour me permettre de continuer ma route.
Il demande à la femme de ménage de me préparer de suite la chambre à donner pour me permettre de me reposer un peu, à midi on parlerait de la marche à suivre. J'ai dormi comme une souche - Ma toilette terminée on frappe à la porte me disant que c'était l'heure du repas. Un repas dont je me suis régalé. Tout en mangeant, j'ai raconté un peu ma vie depuis le 17 juin 1940, date de ma capture. Au repas du soir il y avait un invité de la Résistance. Nous avons surtout parlé de mon départ en vue du franchissement de la frontière à La Chapelle. J'ai demandé en particulier si je pouvais contacter Mr. Müller Lucien à Hettentschlag pour lui dire que j'étais à Colmar. Lucien Müller était mon cuisiner durant toute la guerre au Rhin. Le lendemain j'avais la visite de Müller visiblement heureux de me revoir - Il m'a remis 1000 marks.


jeudi 17 août 2017

Suite de l'évasion

Il a fait ouvrir les portes de tous les wagons, ses hommes en hurlant montaient et descendaient des wagons. J'en ai conclu qu'il avait demandé à un évadé de lui donner des renseignements à la recherche d'évadés - c'était une petite récréation. Mon train était en place la locomotive en tête bien dans le sens Colmar indiqué sur panneaux. J'ai voulu m'assurer quand même que c'était bon pour Colmar en me payant l'audace de le demander au mécanicien du train. "Nach Colmar" lui ai-je dit, il m'a répondu aimablement "Jawol".
Je monte dans une voiture de 3e classe. A peine installé la porte de mon compartiment s'ouvre, je m'approche, c'était une petite femme très jeune qui manipulait difficilement 2 grosses valises. Je suis descendu sur le quai et je lui ai placé ses 2 valises dans le compartiment. Elle m'a bien remercié mais je n'avais pas besoin de ça. Le train démarre, nous avons échangé quelques mots, me faisant passer pour un Italien travaillant à Colmar pour l'armement. Elle parlait assez bien le français. Son mari était sur le front Russe. Arrivé à Vieux Brisach, où elle descendait, je lui descends ses valises sur le quai - puis "au revoir". Le train repart, je passe sur le pont que j'avais fait sauter en novembre 1940 durant la drôle de guerre. J'ai été fortement impressionné. C'était en même temps un moment de tristesse pour la défaite - et de joie de me sentir sur le chemin de la liberté. Je sentais venir la fin de ces 17 mois de lutte acharnée contre la soumission.
Mon train arrive en gare de Colmar. Je connaissais assez bien la gare pour me rendre à la sortie. Un gendarme allemand qui me fait signe de m'arrêter - je le salue sérieusement en levant la main avec un "Heil Hitler" bien sonore. Il ne lui fallait que cela pour être content. Il m'a rendu le même salut du garde à vous et m'a laissé passer. Ce accroc m'avait un peu refroidi. Il m'a fait comprendre que je n'étais pas encore au pays de la liberté et que les contrôles devaient être fréquents. Il était tard, environ 23 heures. Je ne devais pas me rendre en ville. Je prends la direction de la Résidence en face de la gare, les rues étaient désertes. Je m'enfonce dans ce quartier à la recherche d'un coin où je pourrais passer quelques heures pour dormir un peu en attendant le jour. A tout hasard je pénètre dans le parc d'une maison bourgeoise imposante pour trouver un abri sous un buisson de décoration, quand je tombe sur une baraque genre guérite. Cela ressemble à une grosse niche à chien-on pouvait se tenir debout. Je passe la fin de la nuit dans cette niche où j'ai dormi une paire d'heures.

lundi 14 août 2017

Fin du travail - Le début de l'évasion.

La sonnerie annonçant la fin du travail me donne le signal de départ. Ma 3e évasion commençait enfin. Rapidement, je rentre dans les WC en verrouillant la porte pour m'isoler. Je retire mon treillis de travail, que je roule en paquet et l'enferme dans un papier d'emballage que j'avais prévu, ne voulant laisser aucune trace aux allemands sur mon passage. Ma casquette sur la tête et mes lunettes en place, je ne me serais pas reconnu moi-même. Je sors du WC me mêlant à la foule des ouvriers se dirigeant vers la sortie, grande porte. J'entends encore gueuler les gardiens allemands qui n'avaient pas encore trouvé leur compte de PG. Sorti de l'usine je me dirige sans précipitation  direction de la gare que je quitte rapidement vers le chemin indiqué par mon Alsacien. Ce chemin longe la voie ferrée qui doit me conduire  environ 5km à l'opposé de la gare d'Emmendingen. Arrivé devant cette gare de campagne, j'observe ce qui se passe autour de moi - je me prépare à rentrer dans la gare lorsque j'aperçois, parmi les quelques voyageurs, un officiel Allemand qui venait prendre le train. Caché derrière un gros buisson bien feuillu, j'ai laissé passer quelques minutes avant de me présenter à mon tour au guichet pour prendre mon billet comme je l'avais appris. Aucune question ne m'a été posée - c'est ce que je cherchais. Je passe sur le quai donnant la direction Fribourg. J'ai attendu quelques minutes pour laisser l'officier prendre sa place et j'ai choisi, bien sûr une autre voiture de la sienne. Le train se met en route, je passe à Emmendingen, devant sans doute, les gardiens du camp attendant ici le PG en fuite pour le coincer. Les gardiens n'avaient pas l'idée de fouiller le train venant d'une direction inverse à celle de Fribourg. A la gare de Fribourg j'ai une heure d'attente pour le train de Colmar. Je fais les cents pas du quai indiqué pour Colmar. Un fait amusant que voici : en me baladant sur ce quai, je vois arriver sur mon 5 soldats allemands en armes, sous le commandement d'un gradé bien agité et s'adressant à moi pour renseignements sur un train devant arriver en gare. Sans me désarmer et calmement je fais comprendre en petit allemand que je n'étais pas un agent du chemin de fer mais un italien travaillant pour l'Allemagne. A cette réponse, il a levé les bras en l'air en courant avec ses hommes après un train de marchandises.