vendredi 28 février 2014

Derniers préparatifs

Connaissant cette nouvelle importante, je pourrai rouler jusqu'à Colmar sans contrôle frontalier, la nouvelle frontière devenant ainsi La Chapelle.
Je travaillais seul dans un atelier de teinture sans surveillance. J'avais reçu de mon ami Chautan un complet militaire kaki (veste genre blouson anglais) en parfait état. Teint en bleu marine, je pouvais en faire un costume civil très correct.
Dans mon atelier il y avait une étuve. J'ai vérifié si elle était fonctionnelle en ouvrant la vapeur. Il ne manquait que la teinture. Un jeune Allemand passait parfois me voir. C'était un bègue bien marqué et un peu simple d'esprit. Me voyant un jour manger du chocolat, je lui ai offert quelques morceaux. Il a mangé ça comme un fou. J'ai risqué de lui demander s'il pouvait me procurer 300 grammes de teinture "dunkelblau" pour teindre un tissu à chaud, je lui donnerai une tablette de chocolat. Le lendemain j'avais la teinture. Avec l'index de la main sur les lèvres j'ai pu lui faire comprendre qu'il fallait n'en parler à personne. Il m'a répondu : "ja verstanden" [note : "oui, compris"] et il m'a donné la main.
En plein travail j'ai quitté veste et pantalon pour endosser mes effets de travail que je pouvais conserver. Il ne faisait pas encore froid (fin octobre). J'ai passé mon costume à la teinture que j'ai gardé en cuisson pendant une heure. J'ai ensuite vidangé la cuve pour y retirer le costume teint d'une façon impeccable. J'ai éliminé le maximum de liquide et j'ai accroché l'ensemble sur le derrière d'un énorme radiateur bien disposé pour masquer les effets.
Pour permettre aux gardiens de nous récupérer après le travail et surtout pour nous compter rapidement, nous devions nous rassembler et ranger par 3 - derrière les WC interdits aux PG. Je passais tous les jours devant la porte de ces WC pour me rendre au rassemblement, prévu terminé 3 à 4 minutes après la sonnerie de la fin du travail. J'ai demandé à un copain récidiviste à l'évasion de semer la pagaille dans le rassemblement afin que les sentinelles, en comptant et recomptant s'aperçoivent le plus tard possible qu'il manquait un PG.
Ma sortie de l'usine était préparée, j'avais ce qu'il me fallait : casquette, lunette verre foncé, ma tenue bleue foncée était sèche, je savais le prix du billet Colmar (aller et retour) pour justifier que je revenais au Pays. J'avais bien retenu la phrase à donner en allemand pour avoir ce billet à l'agent du guichet chemin de fer sans explication.

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